Blog scientifique, technologique, environnemental et politique de Nicolas HAHN

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Les batteries "Solid State"

Je poursuis ici la suite de mes articles sur les nouvelles technologies électro-chimiques en abordant le sujet des batteries "Solid State". J'avais commencé à attirer l'attention sur ce sujet passionnant dans mon précédent article sur la Gigafactory d'Elon Musk.

Tout d'abord, qu'est ce qu'une batterie "Solid State"?

Littéralement, on pourrait le traduire par batterie "tout solide". Cela signifie qu'au contraire des batteries traditionnelles (acide-plomb, nickel-cadmium, lithium-ion, ...) qui sont toutes basées sur un électrolyte liquide ou gélifié, il n'y a rien de cela dans une batterie tout solide, l'électrolyte étant remplacé par un composé solide, comme une céramique ou un polymère par exemple.

En France, une batterie "Solid State" bien connue est celle du groupe Bolloré - la batterie LMP (pour Lithium Metal Polymer), dont j'ai pu beaucoup parler dans un gros dossier que j'avais consacré à la BlueCar du même groupe sur l'un de mes autres sites web. Malheureusement, sa densité énergétique reste bien faible, finalement... De l'ordre de 100 Wh/kg, très loin derrière la batterie "conventionnelle" de Tesla...

Quels sont les principaux problèmes des batteries ou piles traditionnelles?

J'en ai déjà beaucoup parlé au travers de mes différents billets, mais voici une petite liste non exhaustive des problèmes inhérents aux technologies électrochimiques du moment:

  • elles sont volumineuses
  • elles sont lourdes
  • elles offrent une faible densité énergétique en Wh/kg et en Wh/l
  • elles sont dangeureuses pour l'environnement
  • elles sont dangeureuses tout court en raison du risque de combustion spontanée, de feu, d'explosion
  • elles offrent un nombre de cycles limité, de l'ordre de 1000 à 1500.

Malgré tous ces désavantages, la meilleure pile du moment au lithium-ion (la NCR18650B de Panasonic) est utilisée massivement et avec succès par Elon Musk pour les batteries de ses véhicules (Tesla Roadster, Tesla Model S, Tesla model X, future Tesla model 3). Vous avez pu lire dans mes précédents articles que la densité énergétique que l'on était capable d'atteindre pour la batterie de 85 kWh de la Tesla Model S est de 156 Wh/kg. C'est vraiment la meilleure densité énergétique du moment. Les autres constructeurs automobiles sont très loin derrière...

Quels sont les avantages des batteries "Solid State" sur leurs ancêtres?

Le simple fait de remplacer l'électrolyte liquide par un électrolyte solide change la donne de façon drastique. Et de plus, les laboratoires travaillant sur le Solid State veillent aussi à améliorer les autres éléments comme l'anode et la cathode.

  • Elles sont beaucoup moins volumineuses: l'électrolyte solide est un matériau de l'ordre de quelques micromètres d'épaisseur ou moins. On a en fait un empilement de feuilles de matériaux chacune de quelques micromètres (anode, électrolyte, cathode, électrolyte, anode, électrolyte, etc...)
  • Comme elles sont beaucoup moins volumineuses, elles sont par conséquent moins lourdes
  • comme il n'y a plus de liquide inflammable, il n'y a plus aucun risque de feu ou d'explosion, même si la batterie est transpercée par un objet
  • elles sont bien mieux recyclables, pour ne pas dire entièrement recyclables
  • elles offrent un nombre de cycles qui peut être supérieur de plusieurs ordres de magnitude
  • Par conséquent, leur densité énergétique est elle aussi bien supérieure, >= 400 Wh/kg dans la plupart des projets

Et pour couronner le tout, elles sont de l'ordre de deux à trois fois moins chères que les batteries lithium-ion.

Le Solid State pour quand?

Je serais tenté d'écrire, depuis hier, mais surtout pour aujourd'hui même.

En effet, depuis hier parce que la batterie LMP du groupe Bolloré, déjà présente dans les BLueCar (AutoLib et toutes ses déclinaisons dans les autres villes françaises et même étrangères maintenant), est une batterie Solid State. Elle souffre cependant de deux points noirs selon moi: une densité énergétique beaucoup trop faible (100 Wh/kg) et surtout l'obligation de la tenir branchée en charge si on ne l'utilise pas. C'est une batterie qui a toujours besoin d'être à une température de 80°C pour fonctionner. Donc si elle n'est pas branchée, elle va utiliser sa propre énergie pour se maintenir à cette température. Et au bout de trois jours, la batterie est à plat. Après mure réflexion, alors que j'étais dans le passé très enthousiaste au sujet de cette batterie, force est de constater que c'est un peu loupé côté développement durable et préservation des ressources (électriques puisque du coup, cette batterie consomme sans arrêt). Ce n'est peut être pas véritablement un problème dans le cadre de flottes comme AutoLib puisque dans ce cas précis, les voitures sont soit toujours branchées et en attente d'être utilisées, soit utilisées par monsieur tout le monde. Par contre, je déconseille absolument l'achat d'une BlueCar par les particuliers, puisque son taux d'utilisation s'approcherait dangeureusement de niveaux potentiellement ridicules...

Comme à l'accoutumée, pour ce qui est d'aujourd'hui, il faut plutôt tourner la tête vers les nombreuses sociétés qui travaillent sur le sujet aux USA.

On peut citer la société/laboratoire R&D Pathion:

C'est une société active dans la recherche et développement sur l'anode, la cathode et l'électrolyte, les trois principaux éléments qui composent une batterie. Il semblerait qu'ils soient axés sur les batteries Lithium-Sulfure et Sodium-ion. C'est d'ailleurs plus un laboratoire scientifique qu'une société. Ils font aussi de la recherche sur l'antiperovskite synthétique. Leurs recherches prouvent qu'une batterie lithium-sulfure peut atteindre facilement 800 Wh/kg, et qu'une batterie Sodium-ion peut atteindre 1000 Wh/kg, et ce avec un cyclage très important.

 

La société Seeo:

Cette société a focalisé ses recherches sur un électrolyte polymère qu'ils ont baptisé DryLyte. Ils produisent des celulles d'une densité énergétique de 220 Wh/kg (un peu en-dessous de la pile Panasonic NCR18650B) basées sur leur technologie, et vont jusqu'à la production de modules (composés donc de plusieurs cellules) pour diverses applications. Leurs modules standards atteignent une densité énergétique de l'ordre de 130 Wh/kg. C'est encore un peu en-dessous de la batterie de la Tesla... Samsung a injecté plusieurs millions de dollars dans cette société et compte bien bénéficier de sa technologie. Mon opinion: les informations techniques et les premiers produits sont déjà là, avec en ligne de mire une densité énergétique de 400 Wh/kg. A surveiller de près donc.

 

La société QuantumScape:

Une émanation de l'université de Stanford. Leurs recherches tourneraient autour de l'antiperovskite synthétique. Je n'ai pas été en mesure de trouver un minimum d'informations techniques essentielles relatives à leur technologie, mais le groupe Volkswagen a l'air d'y croire puisqu'il est un investisseur important de cette société, et dans leurs rêves les plus fous, ils parlent de faire une golf électrique capable d'une autonomie de 700 km grâce aux batteries Solid State de QuantumScape. Un élément technique tout de même: leur batterie mettrait des électrons en mouvement plutôt que des ions. Ce serait une batterie AEB (pour All Electron Battery). Mon opinion: beaucoup trop de flou autour de cette société, pas d'informations disponibles: méfiance!

 

La société Sakti3:

Une émanation du MIT et de l'Université du Michigan. Sakti signifie "Puissance" en Sanscrit et le chiffre 3 est le numéro atomique du lithium dans le tableau périodique des éléments. La société de R&D la plus "ancienne" et la plus innovante en matière de batterie Solid State. L'équipe de recherche dirigée par Ann-Marie Sastry a commencé par concevoir un logiciel de simulation qui allait sortir pour résultat la combinaison idéale des meilleurs matériaux à mettre en oeuvre pour obtenir la meilleure batterie Solid-State en terme de performances et la moins chère. Ensuite, ils se sont attachés à définir le meilleur process de fabrication, avec pour ligne de mire la facilité, la rapidité et le coût. Le résultat c'est qu'ils sont capables de fabriquer des batteries Solid-State avec une technologie d'impression similaire à la lithographie, avec aussi des procédés empruntés à la fabrication des cellules photovoltaiques. Cela consiste en la vaporisation de matière en différentes couches sur du film ultra-fin dans une chambre à vide. Ils sont parvenus à démontrer une densité volumique de 1162 Wh/l sur leurs batteries de laboratoire. Sakti3 attire beaucoup d'intérêts: des groupes comme General Motors, Itochu (un géant industriel japonnais), Dyson (oui, le fabricant d'aspirateurs mais pas que à l'avenir...) ainsi que des sociétés de capital risque ont injecté des dizaines de millions de dollars, le dernier en date étant Dyson avec pas moins de 15 millions de $. Mon opinion: incontestablement la société la plus intéressante et la plus prometteuse: 1162 Wh/l au niveau de la cellule déjà démontré, batteries peu couteuses en raison du process de fabrication utilisé (Ann-Marie Sastry a clairement fait savoir que sa cible de prix était 100$/kWh), légèreté, cyclage et durée de vie très importants (mais là on a pas les chiffres). Bref, je pense que la meilleure batterie Solid State est celle de Sakti3.

 

En conclusion, aujourd'hui et très clairement, par rapport aux informations connues dans le domaine public, il apparait clair que les batteries "Solid-State" sont extrêmement proches de la commercialisation de masse. Cela changera radicalement, dans les deux à trois années qui viennent, notre vision de l'usage que l'on fait de tous les appareils électroniques qui nous entourent et nous frustrent pour différentes raisons (batterie qui se dégrade rapidement au fil du temps, pas assez d'autonomie pour nos ordinateurs ou téléphones portables, ...). Sakti3 est, pour l'heure, LA société à suivre, et si sa fondatrice met en oeuvre ses plans tels qu'ils ont été détaillés notamment pour ce qui concerne les batteries des voitures électriques, Elon Musk avec sa Gigafactory peuvent se cramponner, parce que la technologie de Sakti3 est vraiment disruptive, tout en restant simple.

Dans un premier temps, il faudra surveiller de très près les nouveaux produits estampillés DYSON qui arriveront sur le marché, et qui feront usage de batteries, car ces batteries proviendront de Sakti3. Ann-Marie Sastry a toujours dit qu'elle se focaliserait d'abord sur les marchés des biens électroniques pour le grand public, avant d'attaquer le marché de la mobilité électrique.

Commentaires

1. Le lundi 1 février 2016, 16:12 par Ciré

Du rêve, du rêve ! Vivement qu'il devienne réalité : Véhicule électrique avec 1000 km d'autonomie... C'est donc pour bientôt ! En théorie...

2. Le mercredi 18 janvier 2017, 13:32 par Franck

Salut Nicolas et merci pour ces articles intéressants.
Une question à laquelle tu as certainement la réponse : Où en est-on 18 mois plus tard ?

Car Tesla, lui, commercialise ses voitures et ses solutions de stockage et accélère la production pour passer de 10 000 (en 2014) véhicules années à 500 000 en 2018.
C'est certainement la raison qui l'a poussé à ne pas investir son unité de production dans un produit non finalisé et non abouti.
Les batteries de Panasonic sont probablement d'une génération dépassée, mais sont éprouvées, maîtrisées et produites en masse et des évolutions minimes mais efficientes (durabilité) sont encore possible (silicone).
Aurait-il pu faire la même chose avec SAKTI3 ? Rien n'est moins sûr.
Et GM qui fait parti de la Venture d'investisseurs n'utilise pas ces batteries dans la Bolt et fait guère mieux que Tesla en terme de rendement, si ce n'est en terme de poids visiblement.