Blog scientifique, technologique, environnemental et politique de Nicolas HAHN

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2012-2013: les premières voitures électriques pures

Je reprends la série de mes billets au sujet des véhicules électriques. Si vous me suivez, le précédent traitait des véhicules électrisés. Aujourd'hui, on va véritablement rentrer dans le vif du sujet en abordant les voitures purement électriques effectivement disponibles aujourd'hui, mais en faisant pour commencer un petit écart sur les véhicules électriques produits par des petites sociétés à destination d'une clientèle disons de "stars".

Ainsi que je clôturais mon précédent billet en la matière, la bonne démarche consiste en la conception de bout en bout d'un véhicule autour d'une chaîne motrice tout électrique.

Entre 2005 et 2010 (environ), certains chercheurs et constructeurs, pionniers en la matière, ont réalisé cette démarche: ils ont dépensé plusieurs centaines de millions d'euros pour parvenir à un véhicule purement électrique roulant.

On a pu voir sur les salons automobiles de Paris et Genève, des réalisations tout à fait surprenantes de par leurs caractéristiques, et aussi tout à fait exemplaires!

Le français Venturi, par exemple, avec sa voiture baptisée "Fetisch" (puis aussi la "Volage"), a présenté un véhicule de sport tout électrique fabuleux: 4.6 s pour aller de 0 à 100 Km/h, plus de 400 Km d'autonomie, et une vitesse de pointe bridée, excusez du peu, à 170 Km/h. Ce véhicule est équipé de batteries lithium-ion, et de moteurs électriques soigneusement étudiés. Son poids reste dans la norme pour ce type de véhicule. Venturi a frappé fort, tellement fort, que le prix en était tout à fait assommant: 500000 € l'unité!

Venturi-Fetish.jpg

Le seul reproche que l'on puisse leur faire, c'est qu'ils réservent la sauvegarde de la planète à une élite financière! Autant dire que ce n'est pas du tout la bonne méthode. Là ou beaucoup d'autres industriels ont commis les erreurs dès l'étape de conception, Venturi a fait lui une erreur commerciale.

Les français se distinguent encore avec le constructeur Exagon Motors, dont le véhicule sportif à forte autonomie a été présenté sur le salon de Genève de l'auto en 2011. Le prix indicatif est un petit peu plus attractif que la Venturi, mais sans plus: 300000 euros...

exagon-motors-furtive-egt-1.jpg

On peut aussi citer le californien Tesla avec sa Tesla Roadster, mais je reviendrai sur Tesla dans un autre billet.

Des bolides sportifs électriques de rêve donc.

Ces pionniers qui donc ont mis (et mettent toujours) à la vente des véhicules électriques hors de prix, ont au moins un mérite: celui d'avoir prouvé que des voitures purement électriques pouvaient non seulement rivaliser, mais écraser les plus puissantes voitures à moteur à essence existantes, grâce aux avancées permises par la batterie lithium-ion.

D'autres industriels, qui n'étaient pas attendus sur ce segment, ont consacré des investissements faramineux à la recherche et au développement de véhicules électriques nouvelle génération permettant de faire un bond en avant par rapport à la dernière tentative dite des véhicules électrisés:

  • au moins 150 km d'autonomie réelle
  • une vitesse de pointe apte à la pratique de l'autoroute (130 km/h)
  • pas de sacrifice fait au confort que l'on peut connaitre aujourd'hui au volant d'une voiture traditionnelle

Ainsi, j'ai pu suivre les avancées du groupe Bolloré et de leur filiale Batscap, depuis 2006. Ce groupe bicentenaire fabriquait entre autre des papiers, et du papier à cigarette.

Ce groupe a tout à fait compris l'enjeu, planétaire, de concevoir une voiture électrique qui possède de bonnes performances, à un prix accessible à la "France d'en bas". Eux aussi ont développé une voiture tout à fait intéressante (en réalité ils ont inventé une nouvelle batterie: la batterie Lithium Metal Polymère [LMP]), vue depuis quelques années maintenant sur les divers salons automobile: la BlueCar. Cette voiture a été véritablement étudiée autour d'un moteur électrique et des composants associés, elle peut transporter 5 personnes, ou alors 3 à l'avant et offrir un important volume de coffre, elle est longue comme une Mini donc se sent vraiment à l'aise en ville, et surtout, on ne voit pas de batteries dans le coffre, puisqu'elles sont localisées en-dessous du chassis, ce qui contribue à abaisser le centre de gravité et est par conséquent extrêmement bénéfique pour la stabilité du véhicule. Son autonomie est importante, de l'ordre de 250 Km en ville.

bluecar-autolib.jpg

On doit toutes ces performances à un nouveau concept de batterie, qui a fait l'objet de plus de 10 ans de R&D, et d'une dépense de l'ordre du milliard d'euros. Rappelons ici que Bolloré est un spécialiste du film polymère mince, et des condensateurs. Ils ont étendu ce concept aux batteries. Ces batteries ne contiennent aucun liquide, elles sont absolument stables en charge comme en décharge, elles ne peuvent pas exploser et sont donc d'une sécurité absolue, elles sont compactes et sous une forme solide. Elles ont une densité 11 fois inférieure à une batterie au plomb, ce qui fait que une fois packagées, elles pèsent pour une capacité électrique équivalente 5 fois moins lourd sur la balance que des batteries au plomb, ce qui est très important dans le domaine de l'automobile. Ces batteries ont une durée de vie extrêmement importante, très supérieure aux batteries actuellement connues. Enfin, un plein d'électricité ne coûte que 3 euros.

La BlueCar est maintenant bien connue du grand public puisque le système d'auto-partage Autolib, fondé par Bolloré, se démocratise à Paris, Lyon, Bordeaux... Je n'hésite pas à la classifier dans la catégorie des toutes premières voitures électriques à la portée de toutes les bourses.

D'autres industriels ont alors tenté de surfer sur cette vague naissante: le groupe Peugeot/Citroën par exemple, avec la Citroën C0 ou la Peugeot Ion. Mais là encore, à croire que les leçons du passé n'ont pas été retenues, le prix de vente batteries comprises, était encore bien trop important: de l'ordre de 45000 à 60000 euros. Ces véhicules n'ont donc pas pu rencontrer le succès escompté, surtout qu'ils sont d'assez petite taille, pour ne pas dire "pot de yaourt".

Puis à force d'entendre le groupe Renault/Nissan marteler que le seul constructeur de véhicules électriques c'était lui et qu'on allait voir ce que nous allions voir, effectivement, le consommateur a pu jeter son dévolu sur la Nissan Leaf ou alors la toute dernière Renault Zoé, que je possède d'ailleurs.

Mon avis, c'est que le groupe Renault, sans vouloir lui faire de la publicité, a corrigé plusieurs erreurs faites par les autres industriels:

  • une vraie voiture avec 5 places, conçue sur la base de la toute dernière Clio 4, mais plus haute en raison de la présence du pack de batteries sous le châssis.
  • tous les éléments de confort d'une bonne citadine d'aujourd'hui (Climatisation automatique, boite automatique, auto-radio, console multimédia, ...). A des années lumière de ce que peut offrir la BlueCar de Bolloré.
  • vitesse maximale de 135 km/h
  • une autonomie réelle située entre 130 et 150 km, selon ma propre expérience (cycles mixtes urbains et péri-urbains entre Voiron et Grenoble dans l'Isère)
  • un prix de base de 13700 euros prime gouvernementale de 7000 euros déduite
  • s'y ajoute le prix de location de la batterie: 79 euros par mois avec engagement de ne pas dépasser 12500 km par an.

Avant de conclure, je tiens à contre argumenter les dires de beaucoup à propos des voitures électriques:

  • la première réaction, ou plutôt idée reçue, que j'entends de la part de tout le monde ou presque, c'est "150 km d'autonomie? Le jour où elle en fera 500 peut-être que j'en achèterai une". Je trouve personnellement navrant que tout un chacun réfléchisse si peu. Si on prend le temps de le faire, on pourra rétorquer que plus de 95% des trajets au niveau national sont des trajets de moins de 80 km aller et retour. Le reste, ce sont des trajets longs type départ en vacance. Il me semble donc que la logique voudrait que l'on se débarrasse de la couteuse voiture à moteur thermique au profit d'une voiture électrique, et les trois semaines dans l'année où on a besoin de partir loin, on loue une voiture à moteur thermique. Cela reviendra annuellement beaucoup moins cher. Il faut donc arrêter d'acheter des biens sur la seule base du plus gros besoin à satisfaire avec, peut-être, un jour...
  • Une autre idée reçue, c'est que le public voit comme inconvénient le fait de recharger une voiture électrique pendant des heures et des heures. Tout d'abord, pour un trajet quotidien de 80 km aller retour, dans la norme donc, le temps de charge sur un boitier installé chez vous type Wall-Box de base est de 4 heures environ. Pensez donc à ceci: en quoi mettre votre voiture électrique en charge la nuit pendant que vous dormez vous dérange??? Un autre argument: les bornes publiques de recharge qui ont tendance à se démocratiser actuellement dans nos villes, sont des bornes dites rapides (pour la plupart): elles permettent de recharger 80% de votre batterie en seulement 30 minutes. Dans un avenir très très proche, on aura des stations de rechange de batterie: il sera plus rapide de repartir avec une batterie pleine que de faire le plein d'essence. Tesla a d'ailleurs fait son show en dévoilant sa solution de rechange de batterie pour la Tesla Modèle S.
  • encore une idée reçue: "payer 80 euros de location par mois pour la batterie c'est du grand n'importe quoi". Ayez présent à l'esprit que c'est ce qui vous permet de payer votre voiture électrique 13700 euros au lieu de 50000 si il fallait acheter la batterie...

Et enfin, il serait une erreur de ne considérer que votre porte-monnaie: il y a les aspects environnementaux, le silence, la facilité de conduite, le plaisir, le temps gagné à ne plus aller à la pompe à essence, ... autant de choses qui vous feront comprendre pourquoi les propriétaires de véhicules électriques ne peuvent plus, ne veulent plus s'en passer.

Sur les aspects financiers, savez vous que:

  • la carte grise pour un véhicule électrique coute seulement 22 euros
  • la prime gouvernementale est actuellement de 7000 euros pour l'achat d'un véhicule purement électrique
  • avec 2.50 euros d'électricité (recharge totale de la batterie), vous faites 150 km en réel (c'est mon cas). Le prix au 100 km est imbattable comparé au diesel ou à l'essence
  • un véhicule électrique étant très simple au niveau de sa chaine de motorisation, le prix des révisions n'a rien à voir et est beaucoup moins cher qu'une voiture traditionnelle

On peut toutefois citer un problème. Ce n'est pas le temps de recharge qui pose problème ici, mais les moyens de recharge.

Si on réfléchi uniquement au niveau du marché français, en tablant sur 60 millions de voitures particulières électriques à recharger, il se pose en effet le problème de la capacité de production électrique supplémentaire à installer pour satisfaire à ces recharges. Il faudrait revoir l'intégralité du réseau électrique, et construire au moins une vingtaine de centrales nucléaires supplémentaires ! Le point positif de ce problème, car il y en a bien un, c'est que EDF, puissant lobby à part entière, devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour favoriser la conquête du marché automobile par les voitures électriques, l'intérêt pour cette société étant tout à fait flagrant !

Vous pouvez aussi faire comme moi et compenser votre consommation électrique EDF par la production d'électricité renouvelable, avec des panneaux photovoltaïques par exemple.

Pour conclure, je suis fermement convaincu que la voiture purement électrique c'est l'avenir. D'autant plus que dans mes prochains billets, je parlerai des moyens de stockage de l'électricité dans des batteries de nouvelle génération. Vous pourrez alors constater que les voitures électriques pourront facilement atteindre 2000 km d'autonomie en une seule charge, et qu'elles écraseront littéralement les voitures à moteur thermique qui pullulent partout aujourd'hui.

La suite... Prochainement sur votre écran :-)

Commentaires

1. Le lundi 6 janvier 2014, 16:55 par Orion7463

Cher Nicolas,

Bravo pour ton billet, c'est toujours tres instructif et interessant de te lire ! :-)

J'ai juste 2 petits commentaires a faire:
1 - Le premier sur le fait que les voitures électriques aujourd'hui s'adressent plus a un public aisé. Oui, évidemment et c'est meme evident. Toute nouvelle technologie s'est quasiment toujours developpée sur cette base, pour des raisons simples de rentabilité de d'attractivité. Les couts en R&D doivent etre compensés ainsi que les faibles volumes de ventes initiaux. Tout cela prends du temps, le temps de changer les mentalités! Aussi il faut pouvoir faire envie, allecher le client, et c'est toujouts plus facile a faire avec des véhicules d'un certain prix... et qui font réver. La démocratisation d'un nouveau produit se fait toujours de haut en bas (des moyens financiers s'entend), et rarement l'inverse.
2 - Autre remarque quand tu dis, je te cites: "...ont au moins un mérite: celui d'avoir prouvé que des voitures purement électriques pouvaient non seulement rivaliser, mais écraser les plus puissantes voitures à moteur à essence existantes"... Pas trop d'accord quand on voit que la majorite des voitures électriques aujourd'hui sont restreintes en autonomie, entre 150 et 250 kms pour les meilleures (meme si j'entends bien les arguments que tu développes plus loin dans ton article sur l'autonomie raisonnée de 80 kms journaliere et a laquelle j'adhere) et en puissance/vitesse max (135 km\h de pointe ne font rever personne, et il ne faut oublier que la majorité des gens achete aussi du reve avec des voitures de sports ou autres.... Une voiture puissante flatte la virilite toute masculine qui lui est associée... Rappel moi la voiture thermique que tu as? une BM#@? ;-)

Sinon super article, continue a nous regaler!
Tcho

2. Le lundi 28 mars 2016, 20:45 par Philippe

Bonjour Nicolas,

Je viens de découvrir votre blog et du même coup faire votre connaissance totalement par hasard en cherchant à me documenter sur les batteries LMP.

Ce billet là m’interpelle particulièrement car comme vous, je suis convaincu que l'avenir est à la voiture purement électrique, et que cet avenir n'est pas forcément réservé qu'à des gens qui ont des moyens un peu en dessus de la norme, voir, monstrueusement en dessus de la majorité d'autres gens qui ont néanmoins besoin de se déplacer chaque jour et souvent pour des trajets parfaitement compatibles avec même les humbles performances des modèles actuels.

J'aimerais votre point de vue sur 2 sujets si vous voulez bien donner suite à ce commentaire.

Je suis pour ma part plongé dans une histoire assez rocambolesque concernant un objet (pour ne pas dire une voiture car pour nombre d'utilisateurs, les conditions sont trop spartiates pour en faire une voiture présentable au sens du positionnement social que représente une voiture).
Il s'agit de l'histoire Mia Électrique.
Connaissez vous cette voiture (ah ben oui, ça m'échappe, pour moi ça en est une tout de même !)
J'ai décidé depuis 2013 d'équiper ma société de dépannages à domicile d'une majorité de véhicules électriques qui m'apportent toute satisfaction, dont 3 Mia.
Mais je vous ai dit y être plongé.
Oui ! En dehors de trouver cette voiture parfaitement adaptée à de nombreuses utilisations et à un prix qui en faisait un objet accessible pour toutes les bourses, je cherche par tous les moyens comment cette voiture pourrait être à nouveau fabriquée et, de certaines façons, je m'y implique.

Le second sujet est l'utilisation de l'hydrogène, nonobstant les évolutions des batteries qui sont à attendre rapidement sans doute.
Mais s'agissant d'hydrogène dans la mesure du possible auto-produit (comme vous semblez produire votre électricité), afin de tendre vers une indépendance au moins partielle énergétique depuis le domicile des citoyens (voir par exemple le projet Mobypost ou le projet Securithy de la société MAHYTEC.) tant pour la mobilité que pour l'utilisation de l'électricité à domicile.

J'y vois un certain avenir ( peut être un avenir certain) du monde sans le pétrole.
Y compris pour des pays que l'on appelle émergents, mais pas que !
Peut être aussi pour des pays dits riches, assurément nantis (et prétentieux) mais dans lesquels une misère à vivre est probablement à venir si personne ne bouge, mais comment entendre dans la bouche de dirigeants politiques, quel qu'ils soient, que nous allons vers une telle issue si nous continuons à refuser de regarder cet avenir là qui sera celui de beaucoup de gens si nous ne changeons pas de cap (ou plutôt, si nous continuons à ne pas en fixer un !!)

Bien courtoisement
Philippe